5 septembre : Photo Entrepreneures CapitalE

Semaine dernière : diffusion d’une double page dans un magazine économique avec une photo de personnes incarnant la réussite française. Que des hommes blancs d’un quarantaine d’années, à Paris, comme symbole du potentiel de réussite dans la tech Française sur la scène internationale.  Réaction immédiate sur les réseaux sociaux, d’hommes et de femmes ! Quel que soit l’angle retenu pour l’article, quel que soit le talent que l’on ne conteste pas des entrepreneurs qui y figurent, est-ce cette image qu’on a envie de voir diffuser dans le monde pour symboliser cette France qui réussit dans l’entrepreneuriat au 21ème siècle ? Cette photo pourrait être anodine si elle ne nous renvoyait pas à l’ancien monde alors qu’elle est censée incarner le re nouveau la « disruption » – d’ailleurs certain-e-s ont ressorti sur les réseaux quelques photos du début du 20ème siècle : seuls les codes vestimentaires changent !
Pour moi qui ai par ailleurs écrit un livre justement sur l’ambition (« Comment l’ambition vient aux filles ? » ed Eyrolles), cela a eu l’effet d’une goutte d’eau de trop, d’un agacement certain ! Doit-on, par ailleurs, pour trouver des histoires d’entrepreneurs à succès, avec des FEMMES entrepreneures, les fameux rôles modèles, ne les découvrir que sur les blogs femmes actives ou la presse féminine (ce qui est déjà bien !), et pas dans la presse économique censée être « non genrée » ?
D’ailleurs, un peu dans la même lignée, je me sens toujours un peu « froissée » quand dans les colloques professionnels que je fréquente je ne vois que des hommes en tribune et je suis loin d’être la seule : une association #jamaissanselles, s’est créée pour réagir sur ce sujet notamment dans l’univers de la tech, et je fais moi-même partie de Vox Femina qui vise à promouvoir la prise de parole d’expertes dans les médias.
Lorsque j’ai été contactée via Facebook, dimanche dernier, par l’une des expertes d’Axielles.com pour rejoindre cette photo entrepreneures, qui visait à illustrer la diversité de l’entrepreneuriat, féminin, et notamment dans le domaine de la tech, je n’ai donc pas hésité une seconde. Une initiative se préparait conduite par Céline Puff-Archichvili, Guillaume Richard de Vesvrotte et la photographe Claire Grandnom. J’ai été conquise par l’idée de cette manifestation collective informelle qui s’organisait de façon spontanée, dans les deux jours, loin des réseaux traditionnels, et j’ai à mon tour mobilisé les entrepreneures que je connaissais. Installée dans un village de campagne en Eure et Loir pour ma startup Axielles.com, je n’avais pourtant pas prévu d’aller à Paris ce jour-là. Et je n’ai pas été déçue : le mot d’ordre était « venez comme vous êtes » : différents univers représentés, de l’audiovisuel, à la finance, des plateformes, du statutaire à l’originalité, du bleu, rose, rouge, orange, banc, doré, noir. Différentes couleurs de peau, différents âges. D’ailleurs j’étais ravie d’y croiser d’autres quinquas, pleine d’énergie, occasion d’ailleurs de rappeler que les femmes représentent plus de 32 % des créations d’entreprises et que selon certains baromètres (cf : BPCE 2015) leur âge moyen est de 48 ans (38 ans selon les chiffres de l’INSEE) …
Autre fait marquant, pas d’élitisme : la jeune start-uppeuse de la tech, qui a fait plusieurs levées de fonds, connue, fondue dans le collectif, à côté de la moins jeune qui a créé sa TPE dans le consulting. J’étais d’ailleurs très amusée de l’échange entre cette jeune femme de 24 ans qui avait développé une startup dans la tech qui se présentait à cette autre qui lui répondait ainsi « moi, j’ai 59 ans, une agence de presse et plusieurs petits enfants ». J’ai fait la connaissance de telle femme qui montait une plateforme novatrice d’hôtels nouvelle génération dans plusieurs villes de France, celle qui commercialisait des produits provenant de l’agriculture africaine ; distribution de cartes de visite avant et après le shooting, networking . J’en ai profité pour demander des conseils sur les levées de fonds à telle autre qui dirige une plateforme florissante dans le déménagement, puis pour mettre en relation en live une productrice de documentaire et une startupeuse du domaine concerné. Et depuis, j’ai même reçu une proposition « business » émanant d’une autre participante !!
Il y a eu cette photo partie de ce mouvement à Paris devant le Palais Brongniart, et d’autres initiatives qui ont eu lieu simultanément à Laval, Rennes, Nantes, Angers… De son côté Delphine Remy Boutang avait également répliqué en réunissant pour une autre photo quelques jeunes start-uppeuses de la tech le lundi.
Donc l’idée n’est pas de faire une opposition de genre qui serait stérile (le tissu de l’entrepreneuriat est riche et je suis la première à demander des conseils à des entrepreneurs masculins, et clients de mon entreprise), mais tout simplement de dire « on ne compte pas pour du beurre, on est là et bien là dans le paysage économique ». Une tribune en ce sens a été écrite mardi, signée par des entrepreneurs, influenceurs, hommes et femmes. Je m’y suis bien sûr associée : French Web
Je n’ai pas pu m’empêcher de penser à cet élan de la population qu’on a connu avant les élections présidentielles, ce n’est plus cet ancien monde que l’on veut voir dans les journaux, sur les plateaux !
Et oui, nous sommes actrices de la vie économique, lectrices, consomm-actrices et pas uniquement spectatrices… et c’était une façon très enthousiasmante de le rappeler !

Frédérique Cintrat
Minitel native entrepreneure du digital avec AXIELLES.COM et des services avec Assurancielles.